Maxime Steinberg, historien belge renommé, est décédé le 26 juillet 2010. Il était reconnu pour ses travaux approfondis sur le génocide des Juifs en Belgique pendant la Seconde Guerre mondiale et pour son engagement à dévoiler les défaillances du système judiciaire belge dans la reconnaissance de ce génocide. Sa disparition a marqué une grande perte pour le monde de la recherche historique et pour la mémoire de la Shoah en Belgique. Ses écrits continuent de servir de référence essentielle pour comprendre l’histoire du génocide et les responsabilités des institutions dans sa gestion post-guerre.

Cet article rend hommage à l’historien Maxime Steinberg, qui a exposé les manquements du système judiciaire belge à reconnaître pleinement le génocide juif après la Seconde Guerre mondiale. Steinberg a critiqué l’incapacité des tribunaux à juger correctement la complicité des autorités locales dans l’extermination des Juifs, en dissociant la déportation de l’extermination et en adoptant des concepts juridiques inadéquats. Ce déni a laissé un vide que le négationnisme a exploité, soulignant la nécessité d’une justice précise et contextuelle pour empêcher la répétition des erreurs du passé.

Le Déni de Reconnaissance du Génocide

L’histoire est jonchée de rendez-vous manqués, où l’incompréhension et l’inertie ont laissé des cicatrices profondes. Parmi ces rendez-vous, celui du système judiciaire belge avec la reconnaissance du génocide juif est sans doute l’un des plus douloureux. Maxime Steinberg, historien rigoureux et inlassable défenseur de la vérité, a consacré une grande partie de son œuvre à révéler l’ampleur de ce manquement.

Dans son article « Le génocide aux rendez-vous du palais », Steinberg mettait en lumière les lacunes d’un système judiciaire qui, malgré l’ampleur des preuves, a échoué à saisir la singularité du génocide perpétré contre les Juifs. Ce n’est pas l’ignorance qui a conduit à ce déni, mais plutôt une incapacité institutionnelle à conceptualiser l’horreur unique de la « solution finale ». Les tribunaux belges, en dissociant la déportation de l’extermination, ont relégué la complicité des autorités locales au second plan, ignorant ainsi la réalité historique et la portée criminelle de ces actes.

Cette dissociation juridique n’était pas simplement une erreur de procédure ; elle était le symptôme d’un malaise plus profond au sein des institutions. Les magistrats, pris au piège des conventions légales et des concepts de l’époque, ont raté l’occasion de condamner pleinement ceux qui avaient contribué, de près ou de loin, à l’anéantissement systématique de la communauté juive. Le modèle juridique de l’après-guerre, axé sur les « crimes de droit commun », n’était tout simplement pas à la hauteur pour traiter l’événement exceptionnel qu’était le génocide juif.

Il aura fallu près de cinquante ans, et la montée du négationnisme, pour que la justice belge se confronte enfin à la réalité du génocide dans les termes qui lui sont propres. Ce retour tardif est révélateur : ce n’est qu’à l’heure où l’intégrité même du souvenir du génocide était attaquée que le système judiciaire a été contraint de se pencher sérieusement sur son passé. Le négationnisme, en niant l’existence même des chambres à gaz et en minimisant les souffrances des victimes, a forcé la justice à revisiter ses propres échecs. Les procès des années 1990, bien qu’imparfaits, ont marqué un tournant où la reconnaissance judiciaire du génocide a finalement commencé à se construire.

Cependant, ce rendez-vous tardif n’efface pas l’héritage de l’après-guerre. Les lacunes dans la condamnation des responsables, la minimisation de la complicité locale, et l’incapacité à utiliser les concepts juridiques appropriés ont laissé des traces indélébiles.

L’échec à juger correctement ces crimes a contribué, dans une certaine mesure, à l’émergence du négationnisme, en créant un vide juridique et moral que les négationnistes ont exploité pour tenter de réécrire l’histoire.

Le travail de Maxime Steinberg nous rappelle avec force que la justice ne peut se contenter d’une approche superficielle des événements historiques. La reconnaissance tardive du génocide juif en Belgique montre les dangers d’une justice qui refuse d’adapter ses outils conceptuels à la réalité des crimes qu’elle doit juger. Steinberg a montré que la justice, pour être véritablement juste, doit être à la fois précise et contextuelle, capable de comprendre et de juger les crimes dans toute leur spécificité.

Aujourd’hui, alors que nous sommes témoins de la résurgence d’un nouvel antisémitisme et d’un négationnisme qui prend de nouvelles formes, l’œuvre de Maxime Steinberg est plus pertinente que jamais. Le devoir de mémoire n’est pas seulement une question de commémoration ; il est aussi une obligation de justice. Ignorer ce passé, ou le traiter avec des concepts inappropriés, c’est risquer de répéter les erreurs qui ont permis ces horreurs.

En nous souvenant de Maxime Steinberg, nous nous souvenons également de l’importance de la vigilance. Car l’histoire, bien que ne se répétant jamais exactement, peut voir ses erreurs répercutées si nous n’apprenons pas de nos échecs. Le combat contre le négationnisme, aujourd’hui comme hier, est un combat pour la vérité, pour la justice, et pour la dignité humaine. Nous devons veiller à ce que ce rendez-vous avec l’histoire ne soit pas manqué une fois de plus.